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[Enquête] Les nouveaux partenariats dans la distribution alimentaire

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[Enquête] Les nouveaux partenariats dans la distribution alimentaire

La crise sanitaire a permis à la grande distribution de s'allier à des sociétés de livraison pour renforcer ses offres sur ce créneau et mieux gérer la forte demande sur l'e-commerce.

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Dans l'e-commerce alimentaire, la France se distingue, depuis les années 2010, des autres pays via les drives opérés par les enseignes d'hypermarchés et supermarchés. "Ils concentrent l'essentiel des ventes on line de produits alimentaires, souligne Daniel Ducrocq, directeur du service Distribution chez Nielsen. Plus de 80% de la croissance de l'e-commerce "généraliste" reste réalisé par ce circuit." Déjà dynamique en 2019, le drive (plus de 5100, source Nielsen) demeure l'un des moyens privilégiés pour réaliser ses courses.

Avec la crise sanitaire, tous les drives accolés à un hypermarché ont soudainement accru leurs performances. "Avant le premier confinement, plus de 700 d'entre eux ne dépassaient pas la dizaine de commandes par semaine: ils ont en moyenne triplé leur chiffre d'affaires. Certains ont même dépassé les 30 000 euros hebdomadaires", note Daniel Ducrocq. Le constat est identique pour les drives historiquement performants. Lors du premier confinement, certains ont réalisé un chiffre d'affaires quasiment équivalent à celui du magasin auquel ils sont rattachés, sur les catégories de produits les plus sensibles (alimentation infantile, lait, papier toilette...). "Pour un hypermarché, les bons chiffres de son drive permettent en partie de compenser les pertes du magasin lors des confinements, mais l'équation économique reste très souvent négative, du fait des forts coûts engendrés par cette nouvelle demande", pointe Daniel Ducrocq.

Le développement de la livraison à domicile

Parallèlement à ces dispositifs de click and collect, les enseignes continuent d'investir dans la livraison. "Au tout début de l'e-commerce alimentaire, dans les années 2000, les distributeurs ont tenté de se développer dans le commerce en ligne via la livraison, explique Delphine David, directrice d'études secteurs e-commerce, distribution, consommation au sein de l'institut Xerfi. Cependant, les consommateurs n'étaient pas prêts à payer ce service. Les enseignes alimentaires se sont alors déportées sur le drive. Depuis les années 2010, elles reviennent progressivement ou testent la livraison à domicile. Les distributeurs redoutent l'arrivée d'Amazon sur le marché français avec "Amazon Fresh", son supermarché en ligne."

Le succès du drive piéton

"Le drive piéton, apparu il y a 3-4 ans, permet à des distributeurs absents des centres-villes de venir avec une nouvelle forme de commerce via un assortiment plus large et des prix plus compétitifs, souligne Daniel Ducrocq de l'institut Nielsen. Cet axe va se développer, d'autant plus dans le cadre d'une crise économique où le prix redevient primordial pour les consommateurs. Par ailleurs, le contexte va faciliter les ouvertures, en raison de fermetures définitives de commerçants, avec de nombreux locaux de 70-80m2 disponibles." Ce nouveau mode de distribution, à destination des urbains non véhiculés, vient concurrencer de manière frontale les magasins de centre-ville en général et la proximité en particulier, comme le faisait déjà la livraison à domicile. Les consommateurs profitent des prix et de l'offre de l'hypermarché pour effectuer leurs courses. "En regroupant les deux formes de drive, voiture et piéton, nous sommes à presque 8 % du chiffre d'affaires des grandes surfaces alimentaires", indique Emily Mayer de l'institut Iri. Le drive piéton reste encore modeste en termes de parts de marché. Néanmoins, il est le circuit le plus dynamique avec une croissance moyenne de 85% sur l'année (la croissance s'élevait à 179% lors du premier confinement). Avec 600 sites répertoriés, le maillage s'intensifie, même si Paris continue à concentrer une majeure partie de l'offre.

Certains acteurs ont néanmoins réussi à percer sur ce segment, comme Houra ou Monoprix, via un positionnement premium. Si le marché reste toujours déséquilibré en faveur du drive, la croissance de la livraison à domicile s'élève à plus de 30% en 2020. Localement, sa part augmente dans les grandes villes, comme à Paris, où le poids de la livraison à domicile reste plus important. Tandis qu'elle demeure faible en dehors des grandes agglomérations. "Elle représente un peu moins de 400 millions d'euros de chiffres d'affaires, cela est très petit mais dynamique, souligne Emily Mayer, directrice Business Insights au sein de l'institut Iri. Les consommateurs doivent accepter de prendre en charge les frais de livraison ou atteindre un très gros panier de courses pour ne pas les payer. La progression de la livraison à domicile est donc limitée par l'existence du drive."

Les services de livraison à J+1 se sont, pourtant, multipliés chez les distributeurs. "La livraison à domicile va continuer de se développer, souligne Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Le problème réside dans le modèle économique: tant qu'il n'y a pas de volume, cela reste économiquement difficile à soutenir. Au Royaume-Uni, par exemple, les volumes sont très importants et permettent d'industrialiser le modèle." L'activité demeure compliquée à rentabiliser.

De nouvelles alliances avec les acteurs de la foodtech

Néanmoins, la crise sanitaire a permis à la grande distribution de s'allier à des sociétés de livraison pour renforcer leurs offres sur ce créneau. "Il y a une équation économique à régler, note Marc Lolivier. Nous sommes sur du service additionnel à très forte valeur ajoutée. Pour conserver un fort niveau de qualité, il faut travailler sur de grands volumes, d'où l'intérêt de s'allier. Nous allons voir des alliances, certains vont truster le marché. Il sera de plus en plus difficile d'avoir une multitude d'acteurs car les investissements sont de plus en plus importants, pour atteindre des niveaux de services et de qualité extrêmement élevés."

En avril dernier, Carrefour et Uber Eats se sont ainsi associés pour livrer à domicile les consommateurs en moins de 30 minutes. D'abord à Paris et en région parisienne, avant d'étendre le service à l'échelle nationale. Un service supplémentaire pour livrer rapidement de petits paniers de courses. "Nous avons commencé par 15 magasins à Paris, indique Bastien Pahus, directeur général d'Uber Eats France. Aujourd'hui, nous en sommes à plus de 330 dans plus de 100 agglomérations. Notre objectif est d'atteindre 500 points de vente dans les prochains mois. Nous avons travaillé sur l'assortiment des produits en regardant les commandes des consommateurs, ce qu'ils venaient chercher sur l'application..." Plus de 1000 références sont aujourd'hui disponibles: fruits et légumes, produits laitiers, pâtes, riz, conserves, articles d'entretien et d'hygiène, boissons...

Côté modèle économique, Carrefour rémunère Uber Eats via une commission sur les ventes. Les clients paient également à chaque commande des frais de livraison. En parallèle, on voit d'autres partenariats dans la grande distribution, comme celui de Deliveroo avec les enseignes du groupe Casino, après avoir testé le service avec Franprix en 2019. L'objectif du partenariat est de couvrir 1500 magasins à l'horizon 2021. Le service de livraison s'engage également à livrer en 30 minutes, en moyenne. De leur côté, Système U et la start-up française La Belle Vie se sont associés pour permettre aux Franciliens de bénéficier d'un service de livraison optimisé: des livraisons en moins d'une heure à Paris et trois heures en Ile-de-France.

"Ces offres demeurent limitées généralement à Paris ou aux grandes villes, nuance Delphine David, de l'institut Xerfi. Elles répondent à une clientèle urbaine en demande de ce type de services. Ces partenariats offrent aux enseignes la possibilité de se positionner sur ce marché de la livraison express sans réaliser d'importants investissements. Si ces alliances permettent aux distributeurs de profiter d'audiences considérables, elles ne sont pas exemptes de risques, comme l'intermédiation croissante de la relation client." Par ailleurs, l'e-commerce alimentaire continuera de progresser par les gros paniers de courses de sa clientèle familiale. "Ce service demeure intéressant pour développer le business des achats du déjeuner, souligne Daniel Ducrocq. Les consommateurs n'ont pas le réflexe d'effectuer une commande sur des produits de grande consommation. C'est donc un moyen de toucher un autre moment de consommation."

Quelles perspectives post-Covid?

Comment capitaliser sur cette croissance de l'e-commerce alimentaire? Selon Emmanuel Fournet, directeur idées et clients analytiques du service à la distribution chez Nielsen, il s'agit de "travailler les irritants les plus évidents pour la clientèle et déjà identifiés, comme la disponibilité des produits ou l'achat de produits frais, mais il est aussi nécessaire de prendre en compte les enjeux à plus long terme". Parmi eux, différents sujets sont clés: élargir la cible consommateurs, par l'extension de la disponibilité des services existants ou la création de nouveaux partenariats (côté distributeurs ou côté marques en vente directe au consommateur) ; améliorer l'expérience clients online (en termes de navigation, de suggestions proactives de produits basées sur des préférences ou sur les achats précédents ou par des solutions de réalité virtuelle). Les distributeurs doivent également améliorer l'expérience cross-canal, en rendant plus fluide le lien entre magasins physique et virtuel, ou encore via la proposition de valeur pour les consommateurs grâce à des comparateurs de prix ou de produits, de programme de fidélité spécifique pour réduire les coûts de livraison par exemple... Au-delà des nouveaux services, l'assortiment reste un enjeu majeur pour les drives comme pour la livraison à domicile des enseignes à dominante alimentaire.

 
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