[Saga d'été] Quinze ans après : que sont devenus les pionniers français de l'e-commerce ? Épisode 2 : Jacques-Antoine Granjon
Ils ont lancé leurs sites quand Amazon n'était encore qu'un importateur de livres, quand la vente de chaussures sur Internet faisait sourire, et que le mot "marketplace" ne faisait pas encore partie du langage commun. Quinze ans plus tard, que sont devenus les pionniers français de l'e-commerce ? Certains ont quitté le navire, d'autres tiennent toujours la barre, et beaucoup ont réinvesti leur expérience dans l'écosystème tech. Retour sur une génération qui a digitalisé la vente à la française. Aujourd'hui : Jacques-Antoine Granjon.

Jacques-Antoine Granjon - Veepee
Neveu du milliardaire Pierre Bellon (fondateur de Sodexo), Jacques-Antoine Granjon suit un parcours entrepreneurial singulier et audacieux. En janvier 2001, il cofonde avec sept associés vente-privee.com, une plateforme pionnière dans un domaine encore balbutiant : la vente événementielle en ligne. Le concept est novateur : proposer des fins de séries de grandes marques à prix cassés, sur une durée limitée, exclusivement via Internet. Ce modèle, inspiré des ventes privées traditionnelles, rencontre rapidement un certain succès. Mais c'est en 2004 que le déclic a lieu, avec une opération autour d'une célèbre marque de lingerie. Cette vente marque un tournant pour l'entreprise, qui entame alors une croissance fulgurante. "Nous passons de 0 à 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires", raconte Jacques-Antoine Granjon dans nos colonnes.
Visionnaire, Jacques-Antoine Granjon perçoit très tôt le potentiel du digital dans la transformation du commerce de détail. En novembre 2011, vente-privee.com franchit une étape importante avec son lancement aux États-Unis, en partenariat avec American Express. La même année, il cofonde avec ses amis Xavier Niel et Marc Simoncini l'EEMI (École européenne des métiers de l'Internet), un établissement destiné aux jeunes entrepreneurs du numérique.
Dès 2012, l'entreprise ne se contente plus d'écouler des stocks : elle devient aussi un acteur de création. Des marques comme Spring Court ou Antik Batik conçoivent des collections capsules exclusivement pour la plateforme, renforçant son image de marque et sa proximité avec les grandes griffes.
En janvier 2019, l'entreprise opère un changement stratégique fort : vente-privee.com devient Veepee, unifiant ainsi toutes ses filiales européennes sous une même bannière. Ce rebranding symbolise l'évolution d'un modèle : d'un site de déstockage à une entreprise technologique européenne de premier plan dans l'e-commerce. "En 2019, nous recentrons notre modèle en Europe après deux années de croissance externe (rachats de Privalia, Vente-exclusive.com...) Nous devenons le leader en Europe", témoigne encore le dirigeant dans nos colonnes.
En 2022, la plateforme compte 66 millions de membres et 4,5 millions de visiteurs uniques quotidiens. Elle affiche le taux de récurrence quotidien le plus élevé du Web, à 35 %. Jacques-Antoine Granjon revendique par ailleurs sa volonté de ne pas être cotée en Bourse. "Aujourd'hui, nous restons une société indépendante, profitable, non cotée en Bourse, libre de son destin. Nous restons une entreprise créative, innovante et solide."
La même année, Veepee et Jacques-Antoine Granjon, poursuivis pour pratiques commerciales trompeuses, sont relaxés par le tribunal correctionnel de Bobigny. Toujours en 2022, le groupe se lance dans la seconde main en créant Upcycling Solution, une marque de produits d'occasion. L'entreprise démontre ainsi à plusieurs reprises son engagement dans l'économie circulaire. Depuis, ce sont plus de 1,2 milliard de produits qui ont été remis en circulation entre les mains des membres.
En 2025, Veepee emploie plusieurs milliers de collaborateurs à travers l'Europe et dépasse les 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. L'entreprise reste un modèle de résilience et d'innovation, dans un secteur en constante mutation. Fidèle à ses convictions, à son franc-parler et à son style rock, Jacques-Antoine Granjon est toujours à la tête de Veepee. Il développe également son activité de business angel et investit 1 à 2 millions d'euros par an, de sa poche, dans des start-up.
"Une entreprise, même si vous en êtes l'actionnaire principal, ne vous appartient plus totalement. Elle appartient aux gens qui y travaillent et y consacrent une partie de leur vie", nous disait-il en 2018. Une vision qui démontre le pragmatisme de celui que l'on surnomme "le Jag".
Découvrez la suite de la saga :
Pierre Kosciusko-Morizet - PriceMinister à venir
Gauthier Picquart - RueDuCommerce à venir
Didier Blaise - Allopneus à venir
Patrice Magnard - Alapage / Maxicours à venir
Warren Barthes - PhoneAndPhone à venir
Sven Lung - BrandAlley à venir
Pierre Mestre - Shop & Club / Orchestra à venir
Philippe et Thierry Koenig - Auto-IES à venir
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